Seul dans le noir **/Paul Auster

Publié le par S.L.

Titre original : Man in the Dark (New York, 2008)


Second volet, semble-t-il d'un diptyque sur l'écrivain finissant, vieillissant, avec Dans le scriptorium **** dont j'avais tant dit de bien, ce nouveau roman de Paul Auster a forcément encore beaucoup fait parler de lui. Mais que dire de ses qualités ? L'idée initiale est extrêmement séduisante : Owen Brick, la trentaine, se réveille dans un trou, aux parois lisses et insurmontables, dans une Amérique parallèle, où les deux tours ne se sont pas effondrées et où la guerre en Irak n'a pas eu lieu, mais où une guerre civile fait rage, avec dans le camp adverse les Etats chapeautés par Georges W. Bush. Sa mission ? Tuer, à son retour à la vie "normale", August Brill, un vieil homme critique littéraire qui a imaginé toute cette histoire d'une guerre sans fin. On suit donc en parallèle les mésaventures fantastiques d'Owen, heureux avant que le ciel (l'écrivain) ne lui tombe sur la tête, et la vie de trois âmes endeuillées : ce veuf se rappelant sa chère Sonia, vivant avec sa fille Miriam, que son mari a quittée, et sa petite-fille, Katya, anéantie depuis la mort de son fiancé Titus en Irak.   


Le plus jouissif, dans les romans de Paul Auster, c'est l'univers qu'il sait créer, ce suspens causé par les arcanes de l'écriture, par un autre personnage, double de l'écrivain lui-même, qui crée des vies, des personnages, un destin, pour d'un coup les laisser tomber sans crier gare. Mais on finit par se lasser de ce ressort romanesque, fréquemment utilisé. Et que reste-t-il alors ? Une écriture sobre et simple, mais pas du tout exceptionnelle, une mise en abime d'une histoire dans l'intrigue qui après nous avoir bien mis en haleine, finit en queue de poisson, nous laissant sur notre faim, un peu comme dans La nuit de l'oracle*** où le héros de l'écrivain se retrouvait enfermé, sans échappatoire. Ici, la solution offerte au personnage secondaire, quelle qu'elle soit, c'est la mort. Tout comme le peuple américain d'ailleurs, prisonnier de cette guerre meurtrière. Alors l'écrivain est-il un monstre ? Est-ce là le sentiment que nous livre Paul Auster ? Et à broder une histoire autour de cet autre monstre aux commandes du pays qui a engendré d'autres horreurs ? Evacuant son dégoût de la politique de Bush et l'horreur que lui inspirent ces films diffusés sur le net mettant en scène l'exécution de ses compatriotes. Le nouveau Paul Auster ? Plus engagé, certes, que tout autre. Plus allégorique aussi, fiction et réalité nous rappelant la nôtre. Mais pas au summum de son talent, il faut bien l'avouer. Le meilleur serait-il advenu ?
 

AUSTER, Paul. – Seul dans le noir / trad. de l'américain par Christine Le Boeuf. – Actes Sud, 2009. – 181 p.. - ISBN 978-2-7609-2887-9 : 19,50 €. 
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P
j'attends sa sortie en poche
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Y
Dans le scriptorium sera mon prochain Paul Auster, histoire de me réconciler avec lui ; après, on verra si lui et moi on s'entend bien !
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S
<br /> Oui, j'ai l'impression que la source se tarit...<br /> <br /> <br />