Politique du rebelle **

Publié le par S.L.

Politique du rebelle : traité de résistance et d'insoumission / Michel Onfray

On savait Michel Onfray anarchiste. Il le confirme à sa manière dans cet essai où il développe sur le plan politique cette fois sa vision hédoniste de la vie : "(...) l'hédonisme est à la morale ce que l'anarchisme est à la politique : une option vitale, exigée par un corps qui se souvient."

Un premier chapitre autobiographique (quelle est d'ailleurs, dans ce souvenir, la part du réel et du fantasme, proposant cette image si forte ?) ouvre l'essai en démontrant combien le travail et la hiérarchie aliènent l'homme au point de constituer toute sa vie, tout son espoir, brimant par la collectivité l'individu.

Pour lui, là où dans l'idéologie nazie on répartissait les races, avec une base (homosexuels, juifs,...), des intermédiaires (Kapos, Vorarbeiter) et un sommet (les aryens), dans la société actuelle on distingue toujours les classes, la logique libérale opérant une sélection naturelle à la manière de Darwin. Aussi les damnés (clochards abrégés en SDF en politiquement correct), les fins de droit, les réprouvés (vieux, malades, délinquants, fous, chômeurs, RMIstes), les  intérimaires, les prolétaires, etc... n'ont jamais eu accès de plein droit aux nécessités vitales (p. 54-55) : avec le capitalisme, tout a un coût. Manger et boire ? Inégalité criante. Parenthèse perso : on pourrait disserter sur la malbouffe. Dormir ? Sans parler des SDF, il est de plus en plus difficile de se loger : l'immobilier comme les locations augmentent sans fin, rejetant à la périphérie, dans les banlieues, les déshérités. Droit à la santé ? Les cotisations ne couvrent jamais tous les frais. Droit à la sépulture ? Tout a un coût dans un enterrement. Les capitalistes ont ainsi réussi à rendre l'accès à tout payant. Voilà pour le corps. Et l'âme alors ? De quoi et par qui est-elle nourrie ? Selon Onfray, pas par l'école (désaccord partiel : elle joue encore mais de plus en plus rarement le rôle d'ascenseur social), qui conduirait à une reproduction des élites, ni par la famille (toujours selon la classe sociale), ni par la télévision, ni par le livre, la bibliothèque (??!), la librairie...

Et pour gagner cet argent nécessaire à ses besoins,  il faut travailler, ce qui suppose pour les ouvriers de travailler sans relâche et pour les patrons des bénéfices, les premiers exploités par les seconds. Or, "Nietzsche affirmait que quiconque ne dispose pas des deux tiers de son temps en liberté pure pour son propre usage est un esclave." 

Quelles solutions Onfray suggère-t-il, grand lecteur de Nietzsche, de Proudhon, de Debord, de Foucault et de Deleuze ?

D'abord travailler mieux, moins et autrement, sans que le corps et l'âme ne deviennent esclaves de ce travail, les maladies professionnelles ne manquant d'ailleurs pas.

Rien ne sert selon lui d'espérer en un avenir meilleur dans les programmes politiques, en tout cas actuels, la droite ayant pour alliés naturels le pessimisme, le fatalisme et le nihilisme (la route est droite, la pente raide, poursuivons nos efforts, nos sacrifices pendant que les PDG engrangent les bénéfices) et la gauche "caviar", se battant pour le pouvoir, réformant avec peine un Etat où les droits de l'homme, de la femme et du travailleur sont constamment bafoués. "Loger les sans-abri, donner du travail aux damnés, rendre plus viable la condition des exploités, humaniser l'existence sous toutes ses formes, voilà des obligations politiques de gauche qui procèdent de principes éthiques hédonistes." (p. 156-157).

En fait, pour Michel Onfray, il faudrait achever mai 68 (dont les idées ont été travesties et discréditées) au sens de parachever, terminer la tâche. Il ne pousse pas la logique anarchiste jusqu'au bout et ne réclame pas une révolution politique, ne croyant pas à l'autogestion, et à la destruction de la pyramide de la hiérarchie, à l'homme bon par nature. Il ne professe aucune révolution, surtout pas celle d'un individu seul, conduite suicidaire, si ce n'est une révolution paisible, celle d'un SYNDICALISME REVOLUTIONNAIRE, le vrai (retenir la leçon des accords de Grenelle) qui permet de faire céder le gouvernement en place ou de faire respecter les droits de chacun, ou encore en pratiquant le BOYCOTT de tel produit, sachant les droits des salariés de l'entreprise bafoués.

Il faut LIBERER L'INDIVIDU, voilà son credo. A lui de savoir parfois désobéir aux lois comme faire des concessions.

Un essai que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt, confortant certaines de mes opinions.

Exemples de phrases que j'ai soulignées :

"On obtient ce que l'on veut de moi sans demander, rien dès que pointe ce qui peut s'apparenter à l'expression d'une puissance qui me mettrait en péril ou entamerait ma liberté." (p. 10)

"Le camp de concentration a oublié l'homme, célébré le sujet, rendu improbable la personne et mis en exergue l'individu." (p. 38, phrase résumant le premier chapitre qui explicite évidemment chacun des termes.)

les pages 54 à 59.

"Les vieux et les vieilles, auxquels on dénie tout autre droit que celui d'être consommateurs et dispensateurs de leur retraite dans le jeu social consumériste" (p. 76)

"La prison vaudra comme l'hospice, l'asile et l'hôpital."(p. 80)

"(...) l'économie est première et la politique seconde, à son service." (p. 103)

" L'antinomie du crédit fonctionne également en producteur de double effet : il pourrait émanciper les pauvres s'il était organisé de façon à être gratuit, mais il ne fait, tel qu'il est, que permettre à l'argent d'aller là où il est déjà, tout en évitant de faciliter la vie des familles ou des personnes désargentées pour lesquelles il serait vital." (p. 128)

 

 

Publié dans Philosophie

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