L'élégance des veuves**
L'élégance des veuves / Alice FERNEY (Actes Sud, 1995)
Valentine, dès son mariage arrangé, donnera huit enfants à son mari avant que la guerre ne l'emporte au front, avec ses deux aînés. Elle n'aura que deux filles, l'une meurt encore, l'autre épouse la religion et ne lui offrira pas le plaisir d'être mère à son tour. Alors elle se prend d'affection pour sa belle-fille qui monte bientôt sur Paris, enfantant sans discontinuer, tout comme sa meilleure amie qui loge d'ailleurs dans le même immeuble, avec un mari qui rentre du travail sans même passer la saluer...
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Babel, 125 p.

Voici la triste destinée de ces femmes du début du siècle dernier, nées uniquement pour être épouses et aussitôt mères, dussent-elles finir par en mourir. Les hommes, même présents, sont toujours absents : à défaut de mourir au combat ou accidentellement, bêtement, ils restent de toutes manières étrangers à leurs propres enfants, à leur propre femme, à leur propre chair, sans un mot, sans véritable tendresse. Seul bonheur d'être femme à l'époque, celui d'être mère : d'aucuns ont reproché le ton compatissant, voire élogieux, de l'auteur à l'égard de ses femmes qui semblent si bien épouser leur rôle de femme soumise, et qui portent le deuil avec une maîtrise feinte, dissimulant la rage d'une douleur inextinguible. Alice Ferney brosse ainsi le portrait de ces mères héroïnes du quotidien, sans mal les juger. Qui le pourrait sur cette autre époque, du haut d'autres moeurs qui se libèrent tout juste de ces carcans ? Entre les lignes, on perçoit la parole d'une mère elle-même, qui soigne son enfant malade, qui a peur pour lui, cette mère qui, elle-même, n'imagine plus déjà sa grand-mère en jeune fille, et songe à cette photo d'elle montrée un jour à ses propres petits-enfants, dans cette roue de la destinée.
Mais, plus que le sujet, sombre, c'est la forme qui m'a saisie. On nous répète sans cesse que le fond ne peut se séparer de la forme, mais ici, dans ce court roman, le sujet n'aurait pas cette gravité sans ce style si délicatement percutant d'Alice Ferney. Chaque phrase semble pensée, pesée au mot près. C'est un travail d'orfèvre que nous livre Alice Ferney, avec l'écho des pensées ciselées de ces femmes à la fois douces et fortes. Et c'est là ce qu'il y a de plus beau.
Mais, plus que le sujet, sombre, c'est la forme qui m'a saisie. On nous répète sans cesse que le fond ne peut se séparer de la forme, mais ici, dans ce court roman, le sujet n'aurait pas cette gravité sans ce style si délicatement percutant d'Alice Ferney. Chaque phrase semble pensée, pesée au mot près. C'est un travail d'orfèvre que nous livre Alice Ferney, avec l'écho des pensées ciselées de ces femmes à la fois douces et fortes. Et c'est là ce qu'il y a de plus beau.
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Babel, 125 p.