Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens *

Publié le par S.L.

Petit traité de manipulation à l'usage des honnêtes gens */ Robert-Vincent Joule & Jean-Léon Beauvois

"seuls les actes nous engagent. (...) Nous ne sommes pas engagés par nos idées, ou par nos sentiments, par ce qui est, en quelque sorte, "dans notre tête", mais par nos conduites effectives, et donc par des agissements que les autres peuvent ou pourraient "voir". " (p. 75)

Comment amène-t-on une personne à faire ce qu'on voudrait qu"on fasse ? C'est-à-dire acheter quelque chose, signer une pétition, rendre un service, se porter volontaire, etc... En usant de certaines techniques qu'ont observées scientifiquement les deux auteurs, chercheurs en psychologie sociale et professeurs en université. Et comment ne pas soi-même se faire manipuler ?
Un individu vous demande l'heure, de surveiller ses affaires, etc... Attention , vous allez peut-être ensuite être manipulés pour faire une chose que vous n'aviez pas prévue ou envie de faire. C'est ainsi que
le fonctionnement des stratagèmes au noms évocateurs comme le "pied-dans-la-porte", "l'amorçage", la "porte-au-nez", un "pied-dans-la-bouche" va nous être expliqué par les auteurs, non pas pour nous inciter à manipuler autrui en tant que commerçant ou éducateur, mais plutôt pour nous éviter d'être manipulés.

A ce propos, ils nous donnent trois conseils (p. 259-260) :
le premier d'apprendre à revenir sur une décision (et pourtant l'idéologie ambiante fait que d'aucuns nous qualifieront d'inconstants, d'indécis, et diront qu'ils ne peuvent pas compter sur nous... apprenons à décider à l'instant T de ce que l'on veut, ou peut faire sans tenir compte d'engagements antérieurs) ; on évite ainsi "l'amorçage", le "leurre" (un article en promotion dont il n'y a plus la taille pour nous attirer et nous faire en acheter un autre non soldé : on est entré dans le magasin, on essaie, ce que le vendeur nous propose en remplacement, on achète alors qu'on voulait au départ profiter d'une bonne affaire), "un piège abscons", "une dépense gâchée" (persévérer dans un cours d'action, même lorsque cela devient coûteux ou différent des objectifs fixés au départ), ou une "escalade d'engagement" ;

le second de considérer deux décisions successives comme indépendantes, de ne pas persévérer dans la même voie parce qu'on a commencé à l'emprunter (ce n'est pas parce que l'on a dit "oui" une fois pour un service à rendre ou autres, qu'il faut se sentir obligé de dire "oui" à chaque fois, même s'il vous sera reproché votre inconstance, répondez que vous ne vous sentez pas aliéné parce que vous avez dit "oui" une fois et donnez les raisons de votre choix ; pensez à toutes les solutions possibles sans donner plus de poids à l'engagement antérieur) ;

le dernier de ne pas surestimer sa liberté : on croit toujours être libre lorsqu'on est manipulé, mais en fait souvent c'est parce qu'un refus est plus coûteux (en énergie, en force de conviction, contre le qu'en dira-t-on,...) qu'une acceptation. Cela nous évitera l'étiquetage et les "vous-êtes-libres-d'accepter ou de refuser" mais "sachez que", et donc les situations de soumission librement consenties.

A lire et à relire
, pour bien intégrer ces stratagèmes, afin d'éviter d'en être les victimes, et pour modifier un comportement que l'on adopte sans s'en rendre compte, selon que l'on se sent plus ou moins engagé (suivant le caractère public, irrévocable, coûteux, ou répétitif
de l'engagement). Ne nous sentons pas liés par un premier engagement (entrer dans une boutique, accepter un échantillon gratuit, un lot, etc.).
 
Presses universitaires de Grenoble, 2008. - 286 p.. - ISBN 2-7061-1044-9 : 20 €.
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C
Lu dans sa première édition. Très efficace en tout cas ! j'avais testé le coup du "petit service" dmandé avant d'en demander un plus contraignant : ça fonctionne !
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S
<br /> C'est sûrement vrai. Mais du coup je suis plus sensible à l'idée de ne plus me laisser manipuler qu'à celle d'en profiter. <br /> <br /> <br />