Paradis conjugal *à**/Alice Ferney
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2008

"Mais le visage change, l'identité est fragile, l'amour se transforme, la maison peut se craqueler, l'éternité est un rêve, la durée un idéal..." (p. 73)
Une femme, mariée et mère de quatre enfants, regarde inlassablement le même film tous les soirs, lorsque son mari rentre tard de son travail, repousse son désir et s'endort profondément, épuisée par sa journée. La veille, il lui a annoncé, avant qu'elle ne s'endorme, qu'il ne serait pas là ce soir, ni les soirs suivants. Alors en compagnie de deux de ses enfants, elle vit pour la énième fois, par procuration, les tourments de ces trois femmes du film Chaînes conjugales, ayant reçu une lettre d'une quatrième leur annonçant son départ de la ville avec l'un des trois maris. Laquelle se retrouvera seule ce soir-là, abandonnée ? Et surtout pour quelle raison ? Ne l'aime-t-il plus ? A-t-elle changé ?
"Par quel canal, par quel mécanisme intérieur, un film peut agir sur mon humeur, me réjouir l'esprit, me mettre à l'aise avec la vie." (p. 78)

Déçue. C'est l'adjectif qui résume assez bien mon sentiment à la lecture de ce dernier roman d'Alice Ferney. Que lui arrive-t-il ? La voilà qui, la fois précédente, s'était inspirée d'un jeu de société existant pour imaginer un roman dont au moins la structure narrative était originale. Ici, après la mauvaise surprise de la voir préférer à Actes Sud un contrat sans doute plus juteux chez Albin Michel, je m'aperçois au fil de l'histoire qu'Alice Ferney n'a aucun mérite puisqu'elle ne nous livre ici que sa description, sa lecture et son interprétation d'un film existant, Chaînes conjugales (1949, Oscar du scénario et de la mise en scène, excusez du peu), d'un réalisateur géniallisme qui plus est, Joseph L. Mankiewicz, qui se suffit à lui-même. Certes, elle brode bien autour une intrigue qui l'encadre et le commente, qui fait écho à la situation des trois épouses de Chaînes conjugales redoutant le départ de leur mari avec une autre, femme fatale fantasmée, mais elle n'a pour le reste eu à inventer aucune intrigue, aucun personnage, aucune émotion, rien ! Quel intérêt pour un écrivain y a-t-il à écrire un tel roman ? Comment ne pas paraphraser le film ? Une peinture, une photographie, une image fixe, oui, d'autres l'ont fait, mais un film ?
"Est-ce que c'était ça l'évolution du mariage : faire un par le nom mais de plus en plus deux par le corps ?" (p. 82)
Et puis ces clichés... C'est l'homme toujours qui quitte la femme. C'est l'homme qui se sent frustré de ne pas pouvoir satisfaire ses appétits sexuels. C'est la femme qui place la tendresse avant la sexualité dans un couple. C'est la fleur qui s'ouvre lors de l'accouplement...
Qu'est-ce qui a sauvé ce roman pour que je lui accorde tout de même une à deux étoiles ? Son thème, assurément. Beaucoup de ses réflexions que j'ai notées ici et là et qui font mouche :
"On peut se sentir fragile et sombre, avoir chaque jour le regard voilé par les larmes, pleurer sans raison, éprouver des accès de souffrance, et l'accepter sans réagir ne rien faire d'autre que le vivre, l'explorer, le ressentir intimement. Et attendre un autre moment de la vie, laquelle se consomme en tranches, chacune ayant son goût. On peut sentir fondre sa force sous l'effet d'une douleur qui, toute morale qu'elle soit, s'installe bel et bien au creux du corps, par ce mystérieux rapport qu'entretiennent la chair et l'esprit." (p. 29)
Voilà pourquoi je ne le boude pas, malgré tout, et attend le prochain avec impatience et espoir.
"Elle ne fêtait plus ses anniversaires. Tu n'aimes pas tes anniversaires ? lui demandait Max. Elle disait qu'elle ne les avait jamais aimés, qu'ils étaient, déjà dans sa jeunesse, la marque d'un achèvement et les jalons d'un temps qui détruisait." (p. 71)
"Vieillir est plus facile pour les laides, elles deviennent moins laides, relativement en tout cas, puisque les autres se défont... Et à ces mots cette femme riait avec sa fille, elles en avaient le fou rire. Les laides ! Ce mot était si implacable, et pourtant, comment fallait-il le dire ?" (p. 71)
"Mais si on est réellement amoureux, ce doit être difficile. (...) Comme un deuil (...). La mort s'accepte sans se comprendre, mais la liberté de celui qui s'en va, ses causes et ses effets, suscite cent questions dont chaque réponse est blessante. Etre quitté, c'est un reniement, une répudiation. Je ne t'aime plus, tu imagines comme c'est douloureux d'entendre cette phrase ! (...) Plus l'histoire a été longue, plus nombreux sont les lieux et les événements qui engendrent la nostalgie, et la remémoration, et le désespoir. "(p. 122)
"Celui qui part ne doit pas être heureux de partir (...). Alors pourquoi part-il ? (...) Il n'a peut-être plus aucun moyen de rester. Il est malheureux de ne plus aimer. Il s'arrache à sa famille simplement pour se libérer d'un amour mort (...) c'est un supplice qu'il s'inflige à lui-même. Quand on a une famille et qu'on n'aime plus sa femme ou son mari, se l'avouer n'est pas si facile !(...) on regarde la cathédrale de sa vie sans vouloir la détruire. Le film n'envisageait pas cet aspect des choses. Il montrait ce que peuvent nous faire les autres quand ils cessent de nous aimer et que nous avons à le comprendre, mais pas ce qu'éprouve celui qui cesse d'aimer. Le point de vue des maris, le cheminement intérieur de celui qui partait, était laissé pour un autre film." (p. 124)
"Par quel canal, par quel mécanisme intérieur, un film peut agir sur mon humeur, me réjouir l'esprit, me mettre à l'aise avec la vie." (p. 78)

Déçue. C'est l'adjectif qui résume assez bien mon sentiment à la lecture de ce dernier roman d'Alice Ferney. Que lui arrive-t-il ? La voilà qui, la fois précédente, s'était inspirée d'un jeu de société existant pour imaginer un roman dont au moins la structure narrative était originale. Ici, après la mauvaise surprise de la voir préférer à Actes Sud un contrat sans doute plus juteux chez Albin Michel, je m'aperçois au fil de l'histoire qu'Alice Ferney n'a aucun mérite puisqu'elle ne nous livre ici que sa description, sa lecture et son interprétation d'un film existant, Chaînes conjugales (1949, Oscar du scénario et de la mise en scène, excusez du peu), d'un réalisateur géniallisme qui plus est, Joseph L. Mankiewicz, qui se suffit à lui-même. Certes, elle brode bien autour une intrigue qui l'encadre et le commente, qui fait écho à la situation des trois épouses de Chaînes conjugales redoutant le départ de leur mari avec une autre, femme fatale fantasmée, mais elle n'a pour le reste eu à inventer aucune intrigue, aucun personnage, aucune émotion, rien ! Quel intérêt pour un écrivain y a-t-il à écrire un tel roman ? Comment ne pas paraphraser le film ? Une peinture, une photographie, une image fixe, oui, d'autres l'ont fait, mais un film ?
"Est-ce que c'était ça l'évolution du mariage : faire un par le nom mais de plus en plus deux par le corps ?" (p. 82)
Et puis ces clichés... C'est l'homme toujours qui quitte la femme. C'est l'homme qui se sent frustré de ne pas pouvoir satisfaire ses appétits sexuels. C'est la femme qui place la tendresse avant la sexualité dans un couple. C'est la fleur qui s'ouvre lors de l'accouplement...

"On peut se sentir fragile et sombre, avoir chaque jour le regard voilé par les larmes, pleurer sans raison, éprouver des accès de souffrance, et l'accepter sans réagir ne rien faire d'autre que le vivre, l'explorer, le ressentir intimement. Et attendre un autre moment de la vie, laquelle se consomme en tranches, chacune ayant son goût. On peut sentir fondre sa force sous l'effet d'une douleur qui, toute morale qu'elle soit, s'installe bel et bien au creux du corps, par ce mystérieux rapport qu'entretiennent la chair et l'esprit." (p. 29)
Voilà pourquoi je ne le boude pas, malgré tout, et attend le prochain avec impatience et espoir.
"Elle ne fêtait plus ses anniversaires. Tu n'aimes pas tes anniversaires ? lui demandait Max. Elle disait qu'elle ne les avait jamais aimés, qu'ils étaient, déjà dans sa jeunesse, la marque d'un achèvement et les jalons d'un temps qui détruisait." (p. 71)
"Vieillir est plus facile pour les laides, elles deviennent moins laides, relativement en tout cas, puisque les autres se défont... Et à ces mots cette femme riait avec sa fille, elles en avaient le fou rire. Les laides ! Ce mot était si implacable, et pourtant, comment fallait-il le dire ?" (p. 71)
"Mais si on est réellement amoureux, ce doit être difficile. (...) Comme un deuil (...). La mort s'accepte sans se comprendre, mais la liberté de celui qui s'en va, ses causes et ses effets, suscite cent questions dont chaque réponse est blessante. Etre quitté, c'est un reniement, une répudiation. Je ne t'aime plus, tu imagines comme c'est douloureux d'entendre cette phrase ! (...) Plus l'histoire a été longue, plus nombreux sont les lieux et les événements qui engendrent la nostalgie, et la remémoration, et le désespoir. "(p. 122)
"Celui qui part ne doit pas être heureux de partir (...). Alors pourquoi part-il ? (...) Il n'a peut-être plus aucun moyen de rester. Il est malheureux de ne plus aimer. Il s'arrache à sa famille simplement pour se libérer d'un amour mort (...) c'est un supplice qu'il s'inflige à lui-même. Quand on a une famille et qu'on n'aime plus sa femme ou son mari, se l'avouer n'est pas si facile !(...) on regarde la cathédrale de sa vie sans vouloir la détruire. Le film n'envisageait pas cet aspect des choses. Il montrait ce que peuvent nous faire les autres quand ils cessent de nous aimer et que nous avons à le comprendre, mais pas ce qu'éprouve celui qui cesse d'aimer. Le point de vue des maris, le cheminement intérieur de celui qui partait, était laissé pour un autre film." (p. 124)
FERNEY, Alice. - Paradis conjugal. – Albin Michel., 2008. – 352 p.. – ISBN 978-2-226-18841-0 : 20 €.