La littérature fantastique : une esthétique de la terreur (1ère partie)

Publié le par S.L.

Panorama de la littérature fantastique

Ce genre littéraire, dont la définition et les caractéristiques semblent faire débat sur certains forums de lecteurs, m'a incité à ressortir un de mes vieux paragraphes d'intro de mémoire résumant son historique. Il me semble en effet judicieux avant de proposer mes critiques de romans fantastiques dans cette rubrique,
- de bien resituer les oeuvres classiques dans leur contexte,
- et de voir en quoi celles plus contemporaines s'en inspirent ou s'en démarquent.



Introduction à la littérature fantastique,
perçue sous l'angle d'une esthétique de la terreur
par Sandrine Leturcq

1ère partie : Les précurseurs

On n'a pas oublié ce que Baudelaire réclamait à l'artiste : que dans le quotidien, il atteigne et fasse jaillir l'étrange, le mystérieux, le bizarre. L'ambition n'est pas nouvelle. Depuis deux siècles déjà, de nombreux écrivains s'y sont essayé ; certains, allant plus loin dans l'expérience de l'étrange, ont mis la terreur en mots.

Le roman gothique ouvre la voie à une esthétique de la terreur. Tout commence en Angleterre en 1764, avec le roman d'Horace Walpole, *Le Château d'Otrante, qui fait figure d'oeuvre fondatrice du roman "terrifiant". La peinture du mal devient la substance même de ce genre. Evoquant les mythes de Faust, du Juif errant, de Prométhée, de Satan,... le roman noir a toujours recours à la même recette. L'époque évoquée est celle d'un Moyen Age barbare et ténébreux, empli de vieux châteaux isolés, où des moines cruels et lubriques torturent d'innocentes jeunes filles. De mystérieux bruits troublent les nuits ; de sombres vengeances pèsent sur les descendances. Un effet de surprise naît d'un mélodrame ou d'une reconnaissance. Des frissons ambigus parcourent le lecteur : tout est dosé pour produire un cocktail de peur et de plaisir, l'ivresse d'un sadomasochisme latent.



Edmund Burke dans sa Recherche philosophique sur l'origine de nos idées du sublime et du beau, parue en 1756, s'était penché préalablement sur l'"horreur détectable" que peut transmettre l'art. Pour lui,

"tout ce qui est propre à susciter d'une manière quelconque les idées de douleur et de danger, c'est-à-dire tout ce qui traite d'objets terribles ou agit de façon analogue à la terreur, est source de sublime, c'est-à-dire capable de produire la plus forte émotion que l'esprit soit capable de ressentir."

                            

En 1797, Ann Radcliffe et Matthew Gregory Lewis useront des mêmes artifices dramatiques mais en y apportant chacun un renouveau. Les romans d'Ann Radcliff, tel *L'Italien ou le Confessionnal des pénitents noirs, déclenchent d'autant plus un sentiment de peur chez le lecteur qu'ils ménagent un suspens construit sur de nombreux rebondissements. Les personnages sont parfois un peu caricaturaux comme chez Walpole ; en revanche, ceux d'Ann Radcliffe ont une épaisseur psychologique dont ceux de Walpole étaient dépourvus, ce qui permet une meilleure identification par le lecteur. Cette finesse psychologique et cette rigueur dans la structure interne de l'oeuvre sont la marque d'un plus grand souci d'efficacité. La terreur est suscitée chez Matthew Gregory Lewis (*Le Moine)par le poids du fatum, le poids du péché condamné par la morale religieuse. Chez la première, le lecteur est rassuré par la chute rationnelle, tandis que chez le second il achève sa lecture sur une vision de l'empalement du héros par le diable. Ces deux scènes illustrent parfaitement la théorie de **Tzvetan Todorov sur l'essence du fantastique,



né de l'hésitation entre une explication rationnelle et une explication surnaturelle. En effet, un nouveau genre verra le jour sur les traces du roman gothique : le fantastique. C'est que, grâce au roman noir, explique Jean-Baptiste Baronian,


    "on s'aperçoit que l'extravagance, l'hyperbole, le goût du macabre, la terreur peuvent parfaitement servir de supports à une narration, non plus seulement comme éléments épars émaillant çà et là un récit, non plus comme motifs isolés et occasionnels, mais bien comme fins, comme raisons d'être fondamentales d'une création romanesque."

Du roman noir, hélas, les nombreuses imitations ne retiendront dans l'immédiat que ses poncifs. A l'instar des épisodes sentimentaux raillés par Flaubert, ce ne sont que fantômes, spectres, revenants, empoisonnements, meurtres, secrets, prédictions, inquisitions, révélations, nuit de pleine lune, cimetières, ruines et souterrains : rien n'est de trop, rien n'est trop fort pour susciter la terreur et la rendre visible. D'autres, heureusement, suivront les pas d'Ann Radcliff avec plus de succès, tels le Vicomte d'Arlincourt, Paul Lacroix et surtout Jules Janin. Mais les seuls romans frénétiques de langue française qui susciteront l'intérêt de la postérité sont d'origine étrangère : *Vathek du britannique William Beckford et *Manuscrit trouvé à Saragosse du polonais Jan Potocki.



Seulement, dans la mesure où le roman noir est prodigue de persécutions, il inspirera un grand maître de l'érotisme dont le nom a donné lieu à un néologisme, le "sadisme". Le marquis de Sade fut effectivement l'un des premiers à pousser à l'extrême les procédés narratifs du roman noir, tel ce trio infernal du scélérat, de la victime et du bourreau.

demain : l'âge d'or, le 19e siècle






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B
<br /> <br /> Coucou, je vois que tu aimes la littérature fantastique, alors je t'invite à découvrir un nouveau roman super. C'est son tour premier, mais c'est loin d'être son dernier.<br /> <br /> le roman s'appelle "les enfants du mal" du genre fantastique thriller, du genre démon et tueur de démon.<br /> <br /> Il est écrit pas Eroïne Devalda au Edition Baudelaire<br /> <br /> Elle a son propre site web aussi si tu veux découvrir d'autre de ses écrits. Si tu aimes vraiment le fantastique lit son roman; si tu veux des info dessus va sur son site officiel :<br /> romances.kazeo.com<br /> <br /> En espérant que tu vas autant l'aimer que moi.<br /> <br /> <br /> <br />
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B
Merci pour ce sujet fort intéressant. un genre que j'affectionne beaucoup. et pour avoir un vision plus large du fantastique, je vais lire "Introduction à la littérature fantastique".
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