La littérature fantastique : une esthétique de la terreur (1ère partie)
Panorama de la littérature fantastique
Ce genre littéraire, dont la définition et les caractéristiques semblent faire débat sur certains forums de lecteurs, m'a incité à ressortir un de mes vieux paragraphes d'intro de mémoire résumant son historique. Il me semble en effet judicieux avant de proposer mes critiques de romans fantastiques dans cette rubrique,- de bien resituer les oeuvres classiques dans leur contexte,
- et de voir en quoi celles plus contemporaines s'en inspirent ou s'en démarquent.

Introduction à la littérature fantastique,
perçue sous l'angle d'une esthétique de la terreur
par Sandrine Leturcq
1ère partie : Les précurseurs
On n'a pas oublié ce que Baudelaire réclamait à l'artiste : que dans le quotidien, il atteigne et fasse jaillir l'étrange, le mystérieux, le bizarre. L'ambition n'est pas nouvelle. Depuis deux siècles déjà, de nombreux écrivains s'y sont essayé ; certains, allant plus loin dans l'expérience de l'étrange, ont mis la terreur en mots.
Le roman gothique ouvre la voie à une esthétique de la terreur. Tout commence en Angleterre en 1764, avec le roman d'Horace Walpole, *Le Château d'Otrante, qui fait figure d'oeuvre fondatrice du roman "terrifiant". La peinture du mal devient la substance même de ce genre. Evoquant les mythes de Faust, du Juif errant, de Prométhée, de Satan,... le roman noir a toujours recours à la même recette. L'époque évoquée est celle d'un Moyen Age barbare et ténébreux, empli de vieux châteaux isolés, où des moines cruels et lubriques torturent d'innocentes jeunes filles. De mystérieux bruits troublent les nuits ; de sombres vengeances pèsent sur les descendances. Un effet de surprise naît d'un mélodrame ou d'une reconnaissance. Des frissons ambigus parcourent le lecteur : tout est dosé pour produire un cocktail de peur et de plaisir, l'ivresse d'un sadomasochisme latent.

"tout ce qui est propre à susciter d'une manière quelconque les idées de douleur et de danger, c'est-à-dire tout ce qui traite d'objets terribles ou agit de façon analogue à la terreur, est source de sublime, c'est-à-dire capable de produire la plus forte émotion que l'esprit soit capable de ressentir."



né de l'hésitation entre une explication rationnelle et une explication surnaturelle. En effet, un nouveau genre verra le jour sur les traces du roman gothique : le fantastique. C'est que, grâce au roman noir, explique Jean-Baptiste Baronian,
"on s'aperçoit que l'extravagance, l'hyperbole, le goût du macabre, la terreur peuvent parfaitement servir de supports à une narration, non plus seulement comme éléments épars émaillant çà et là un récit, non plus comme motifs isolés et occasionnels, mais bien comme fins, comme raisons d'être fondamentales d'une création romanesque."


Seulement, dans la mesure où le roman noir est prodigue de persécutions, il inspirera un grand maître de l'érotisme dont le nom a donné lieu à un néologisme, le "sadisme". Le marquis de Sade fut effectivement l'un des premiers à pousser à l'extrême les procédés narratifs du roman noir, tel ce trio infernal du scélérat, de la victime et du bourreau.