Le livre des nuits **
Le livre des nuits / Sylvie Germain
Voici l'étrange destinée de Victor-Flandrin Péniel, né sur l'eau douce au fil des canaux calmes et d'une famille de bateleurs à la lignée maudite, contraint de gagner les terres et dès lors surnommé Nuit-d'Or-Gueule-de-Loup à cause des mystérieuses taches d'or qui scintillent dans son oeil noir et de ce loup dont il s'était fait un ami à son arrivée dans le hameau. Ainsi, de 1870 à la seconde guerre mondiale, dans cette région frontalière de la Meuse qui subit de plein fouet les trois guerres, le bonheur effleurera parfois la vaste famille de Victor-Flandrin, quatre fois recomposée et marquée par le sceau de ses taches d'or et de la gémellité, avant que la mort ne la fauche impitoyablement.
Voici un roman dont je n'ai lu et entendu dire que du bien. C'est pourquoi j'ai poursuivi ma lecture, avec obstination, lorsque les premiers chapitres n'ont pas répondu à mon attente, envoûtants certes, comme transportés dans le monde lointain et imaginaire des contes, mais pétris aussi d'une odeur de terroir et de péché à expier qui me plaisait à demi. Et puis, enfin tournée exclusivement sur la destinée de Victor-Flandrin, cette histoire comme enveloppée d'un voile surnaturel et d'une brume atemporelle m'a emportée, émerveillée par la saga de cette famille extraordinaire, frappée par la ponctualité de ses coups du sort. Il m'en reste ainsi tout à la fois le plaisir d'un conte merveilleux saisi au milieu des croyances populaires (Vitalie, sa grand-mère, même morte, le protège toujours de son ombre blonde ; les sept larmes de son père défunt deviennent autant de perles à l'odeur de coing et de vanille), et un arrière-goût bileux d'épreuves, de souffrances et de morts comme justifiées par l'absence de croyance religieuse et la prédominance de l'ignorance et des passions : les enfants morts nés se changent en statue de sel ; du sang coule mystérieusement de la tache de naissance de l'une de ses filles à chaque mort, laquelle deviendra carmélite ; comme opposant ses défenses naturelles à la concupiscence d'un père pleurant sa fille défunte, l'une de ses épouses perdra toute pilosité,...
Voici un roman dont je n'ai lu et entendu dire que du bien. C'est pourquoi j'ai poursuivi ma lecture, avec obstination, lorsque les premiers chapitres n'ont pas répondu à mon attente, envoûtants certes, comme transportés dans le monde lointain et imaginaire des contes, mais pétris aussi d'une odeur de terroir et de péché à expier qui me plaisait à demi. Et puis, enfin tournée exclusivement sur la destinée de Victor-Flandrin, cette histoire comme enveloppée d'un voile surnaturel et d'une brume atemporelle m'a emportée, émerveillée par la saga de cette famille extraordinaire, frappée par la ponctualité de ses coups du sort. Il m'en reste ainsi tout à la fois le plaisir d'un conte merveilleux saisi au milieu des croyances populaires (Vitalie, sa grand-mère, même morte, le protège toujours de son ombre blonde ; les sept larmes de son père défunt deviennent autant de perles à l'odeur de coing et de vanille), et un arrière-goût bileux d'épreuves, de souffrances et de morts comme justifiées par l'absence de croyance religieuse et la prédominance de l'ignorance et des passions : les enfants morts nés se changent en statue de sel ; du sang coule mystérieusement de la tache de naissance de l'une de ses filles à chaque mort, laquelle deviendra carmélite ; comme opposant ses défenses naturelles à la concupiscence d'un père pleurant sa fille défunte, l'une de ses épouses perdra toute pilosité,...