Eros et Thanatos *
Freud - société - homme
Eros et Thanatos / Norman O. Brown (1959)
Eros et Thanatos / Norman O. Brown (1959)
Traduit de l'américain par Renée Villoteau
Parution en France en 1972 (à trouver en bibliothèque ou en occasion)
NOTES DE LECTURE
Norman O. Brown analyse les principales théories de Freud, les critique et les met en perspective avec d'autres textes psychanalytiques, philosophiques ou littéraires :
Ainsi, seul Freud a tenté d'expliquer les fondements de la folie et des rêves. Or ces derniers semblent participer du refoulement des désirs de l'homme, lesquels, n'étant pas assouvis dans la réalité, la société, le deviennent dans l'inconscient. C'est donc que "La névrose est une conséquence essentielle de la civilisation ou de la culture." (chapitre 1 p. 23). Aussi "Freud soutient non seulement que l'histoire de l'humanité ne peut être comprise que comme une névrose, mais aussi que les névroses individuelles ne peuvent être comprises que si on les place dans le contexte de l'histoire de l'humanité dans son ensemble." (chapitre 2 p. 25).
Contrairement à ce que l'on croit, selon Freud, la sexualité adulte est bridée et la sexualité infantile libre. L'une s'attache trop à l'acte sexuel courant et à l'orgasme, alors que l'autre joue avec toutes les parties de son corps, dont il tire du plaisir, participant de fait à ce que nous avons relégué au stade de préliminaires (chapitres 3 et 4).
De même l'enfant, comme l'animal, aime reproduire à l'identique un geste, un jeu, une parole, il se positionne dans le présent, tandis que l'adulte en tant qu'individu cherche sans cesse la nouveauté pour fuir présent, égal à la répétition et à l'ennui, alors qu'en collectivité, il se réfugie dans le passé pour ne pas voir dans l'avenir sa propre mort, d'où l'impression générale d'une Histoire de l'humanité qui se répète à l'infini. (je résume plusieurs chapitres pour lesquels j'ai essayé de mettre en évidence une certaine contradiction dans les propos de Freud qui dit d'abord que l'homme individu préfère la nouveauté pour ensuite dire qu'il se répète dans la collectivité).
"L'art diffère du rêve, non seulement en ce qu'il amène l'inconscient à la conscience - relation purement cognitive - mais aussi parce qu'il libère les instincts refoulés - relation libidinale." (p. 86)
Parution en France en 1972 (à trouver en bibliothèque ou en occasion)
NOTES DE LECTURE
Norman O. Brown analyse les principales théories de Freud, les critique et les met en perspective avec d'autres textes psychanalytiques, philosophiques ou littéraires :
Ainsi, seul Freud a tenté d'expliquer les fondements de la folie et des rêves. Or ces derniers semblent participer du refoulement des désirs de l'homme, lesquels, n'étant pas assouvis dans la réalité, la société, le deviennent dans l'inconscient. C'est donc que "La névrose est une conséquence essentielle de la civilisation ou de la culture." (chapitre 1 p. 23). Aussi "Freud soutient non seulement que l'histoire de l'humanité ne peut être comprise que comme une névrose, mais aussi que les névroses individuelles ne peuvent être comprises que si on les place dans le contexte de l'histoire de l'humanité dans son ensemble." (chapitre 2 p. 25).
Contrairement à ce que l'on croit, selon Freud, la sexualité adulte est bridée et la sexualité infantile libre. L'une s'attache trop à l'acte sexuel courant et à l'orgasme, alors que l'autre joue avec toutes les parties de son corps, dont il tire du plaisir, participant de fait à ce que nous avons relégué au stade de préliminaires (chapitres 3 et 4).
De même l'enfant, comme l'animal, aime reproduire à l'identique un geste, un jeu, une parole, il se positionne dans le présent, tandis que l'adulte en tant qu'individu cherche sans cesse la nouveauté pour fuir présent, égal à la répétition et à l'ennui, alors qu'en collectivité, il se réfugie dans le passé pour ne pas voir dans l'avenir sa propre mort, d'où l'impression générale d'une Histoire de l'humanité qui se répète à l'infini. (je résume plusieurs chapitres pour lesquels j'ai essayé de mettre en évidence une certaine contradiction dans les propos de Freud qui dit d'abord que l'homme individu préfère la nouveauté pour ensuite dire qu'il se répète dans la collectivité).
"L'art diffère du rêve, non seulement en ce qu'il amène l'inconscient à la conscience - relation purement cognitive - mais aussi parce qu'il libère les instincts refoulés - relation libidinale." (p. 86)
"Si l'objet de l'art consiste à supprimer le refoulement et si la civilisation est essentiellement répressive, on peut dire que l'art joue, en ce sens, un rôle subversif dans la civilisation." (p. 87)
Le but thérapeutique de la thérapie, c'est de "rendre l'inconscient conscient".(p. 185), de faire prendre conscience au patient de ses refoulements. Mais un patient ne peut jamais être totalement guéri individuellement, car il reste dans le monde tel qu'il est, c'est-à-dire un monde culturel et non naturel, lequel produit la névrose. Il ne peut donc atteindre à la sublimation, c'est-à-dire à la parfaite conciliation entre le ça et le moi, entre le culturel et le désir sexuel. Car "dans une création culturelle, l'activité, quoique sexuelle à l'origine, est désexualisée, socialisée et orientée vers la réalité sous forme de travail ; dans une névrose, l'activité est resexualisée, retirée du social, et implique une fuite hors de la réalité."(p. 182).
Dans son chapitre intitulé "La vision excrémentielle", Norman O. Brown analyse les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift comme une analyse de la névrose universelle de l'humanité. Ce faisant, il rappelle que précisément, "le but véritable de la psychanalyse est le diagnostic de la névrose universelle de l'humanité, dans laquelle la psychanalyse elle-même est un symptôme et un stade, comme toute autre phase de l'histoire intellectuelle de l'humanité." (p. 233). Ainsi, la vision excrémentielle du Yahoo chez Swift correspond à la doctrine freudienne sur l'érotisme anal de l'enfant, lequel donne à la matière fécale une signification symbolique. Cette valeur serait détrônée par l'argent à l'âge adulte... Comme nous le verrons plus tard.
Dans "L'ère protestante", Norman O. Brown affirme p. 288 : "comme la psychanalyse, la religion doit nous apprendre que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être. Et la psychanalyse doit admettre que la réalité cachée révélée dans la religion est la même que la réalité cachée révélée par la psychanalyse, c'est-à-dire l'inconscient : la psychanalyse et la religion représentent l'une et l'autre une étape sur le chemin du retour du refoulé à la conscience humaine.", la première de façon totale, la seconde de façon partielle et déformée.
Enfin, dans "Le lucre immonde", l'auteur rappelle que pour Freud, le besoin d'argent est une névrose : le besoin naturel de l'homme constitue la nourriture. Il pense que les différents essais psychanalytiques classiques sur l'argent et son caractère anal (Freud, Abraham, Ferenczi, Jones) n'accordent pas assez d'attention au facteur de culpabilité, contrairement à Nietzsche dans sa Généalogie de la morale. Par ailleurs, dit le proverbe, "le temps, c'est de l'argent", mais précisément, nous vivons dans une échelle du temps que les religions nous ont donnée : le temps est donc une notion religieuse, qui n'existe pas dans l'inconscient.
Enfin, nous arrivons au dernier cercle de l'enfer de Freud, le noyau de la névrose humaine : l'instinct de mort.
"Il se manifeste d'abord par l'incapacité où se trouve le petit enfant humain d'accepter la séparation d'avec la mère, cette séparation qui confère la vie individuelle à tous les organismes vivants et qui, en même temps, dans tous les organismes, conduit à la mort." (p. 350).
"L'incapacité d'accepter la mort donne à l'instinct de mort sa forme distinctement humaine et morbide." (p. 351)
"L'homme parvient à l'immortalité - le désir d'être père de soi-même - en s'intégrant au sein des âmes ancestrale, d'où sort chaque génération et où elle retourne." (p. 352)
"L'homme civilisé affirme son individualité et crée l'histoire. Mais l'individualité qu'il affirme n'est pas l'affirmation de la vie ou la jouissance de la vie, mais la négation de la vie (ascèse), c'est l'individualité du mécontentement et de la culpabilité faustiens. L'individualité civilisée, selon la comparaison de Nietzsche, ne se désire pas elle-même, elle désire des enfants, des héritiers, des biens. La vie demeure une guerre contre la mort."
"L'immortalité d'une condition ou d'une corporation réside dans les choses mortes qui seules durent." (p. 353)
Et, citant comme exemple Horace à la fin de ses Odes :
"J'ai élevé un monument plus durable que l'airain, plus élevé que les pyramides des rois. Ni la pluie corrosive ni l'Aquilon furieux ne pourront le détruire, ni la suite innombrable des siècles, ni la course du temps. Je ne mourrai pas tout entier."
"C'est là l'espoir de l'homme qui n'a pas vécu, dont toute la vie s'est passée à vaincre la mort, dont la vie a passé dans ces pages immortelles."
En conclusion, dans "La résurrection du corps", Norman O. Brown constate que la psychanalyse a peut-être beaucoup à apprendre des différentes religions, dont le taoïsme, mais surtout des poètes, au lieu de dénoncer leurs névroses. "Le monde préférera croire que nous sommes tous fous plutôt que de penser que les psychanalystes ne le sont pas."(p. 383) Quiconque aime la littérature sait qu'elle perçoit des choses que la psychanalyse ne décèle pas, tout comme l'art peut guérir mieux qu'elle ne pourrait le faire, rendant conscient l'inconscient.
Analité, oralité, sexualité, complexe d'Oedipe : avec Freud, tout se joue sur ce que notre corps mange, sur ce qu'il rejette, sur ses désirs sexuels et sur sa séparation d'avec la mère... Ce qui me paraît assez réducteur.
Néanmoins cette prise de notes prouve que j'ai éprouvé de l'intérêt à cette lecture. Ainsi, l'auteur confirme entre autres l'une de mes opinions, à savoir que la lecture peut être une manière de percevoir les refoulements et les pulsions de l'être humain, tout comme l'écriture / l'art peut faire émerger l'inconscient du conscient.
Dans son chapitre intitulé "La vision excrémentielle", Norman O. Brown analyse les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift comme une analyse de la névrose universelle de l'humanité. Ce faisant, il rappelle que précisément, "le but véritable de la psychanalyse est le diagnostic de la névrose universelle de l'humanité, dans laquelle la psychanalyse elle-même est un symptôme et un stade, comme toute autre phase de l'histoire intellectuelle de l'humanité." (p. 233). Ainsi, la vision excrémentielle du Yahoo chez Swift correspond à la doctrine freudienne sur l'érotisme anal de l'enfant, lequel donne à la matière fécale une signification symbolique. Cette valeur serait détrônée par l'argent à l'âge adulte... Comme nous le verrons plus tard.
Dans "L'ère protestante", Norman O. Brown affirme p. 288 : "comme la psychanalyse, la religion doit nous apprendre que les choses ne sont pas ce qu'elles semblent être. Et la psychanalyse doit admettre que la réalité cachée révélée dans la religion est la même que la réalité cachée révélée par la psychanalyse, c'est-à-dire l'inconscient : la psychanalyse et la religion représentent l'une et l'autre une étape sur le chemin du retour du refoulé à la conscience humaine.", la première de façon totale, la seconde de façon partielle et déformée.
Enfin, dans "Le lucre immonde", l'auteur rappelle que pour Freud, le besoin d'argent est une névrose : le besoin naturel de l'homme constitue la nourriture. Il pense que les différents essais psychanalytiques classiques sur l'argent et son caractère anal (Freud, Abraham, Ferenczi, Jones) n'accordent pas assez d'attention au facteur de culpabilité, contrairement à Nietzsche dans sa Généalogie de la morale. Par ailleurs, dit le proverbe, "le temps, c'est de l'argent", mais précisément, nous vivons dans une échelle du temps que les religions nous ont donnée : le temps est donc une notion religieuse, qui n'existe pas dans l'inconscient.
Enfin, nous arrivons au dernier cercle de l'enfer de Freud, le noyau de la névrose humaine : l'instinct de mort.
"Il se manifeste d'abord par l'incapacité où se trouve le petit enfant humain d'accepter la séparation d'avec la mère, cette séparation qui confère la vie individuelle à tous les organismes vivants et qui, en même temps, dans tous les organismes, conduit à la mort." (p. 350).
"L'incapacité d'accepter la mort donne à l'instinct de mort sa forme distinctement humaine et morbide." (p. 351)
"L'homme parvient à l'immortalité - le désir d'être père de soi-même - en s'intégrant au sein des âmes ancestrale, d'où sort chaque génération et où elle retourne." (p. 352)
"L'homme civilisé affirme son individualité et crée l'histoire. Mais l'individualité qu'il affirme n'est pas l'affirmation de la vie ou la jouissance de la vie, mais la négation de la vie (ascèse), c'est l'individualité du mécontentement et de la culpabilité faustiens. L'individualité civilisée, selon la comparaison de Nietzsche, ne se désire pas elle-même, elle désire des enfants, des héritiers, des biens. La vie demeure une guerre contre la mort."
"L'immortalité d'une condition ou d'une corporation réside dans les choses mortes qui seules durent." (p. 353)
Et, citant comme exemple Horace à la fin de ses Odes :
"J'ai élevé un monument plus durable que l'airain, plus élevé que les pyramides des rois. Ni la pluie corrosive ni l'Aquilon furieux ne pourront le détruire, ni la suite innombrable des siècles, ni la course du temps. Je ne mourrai pas tout entier."
"C'est là l'espoir de l'homme qui n'a pas vécu, dont toute la vie s'est passée à vaincre la mort, dont la vie a passé dans ces pages immortelles."
En conclusion, dans "La résurrection du corps", Norman O. Brown constate que la psychanalyse a peut-être beaucoup à apprendre des différentes religions, dont le taoïsme, mais surtout des poètes, au lieu de dénoncer leurs névroses. "Le monde préférera croire que nous sommes tous fous plutôt que de penser que les psychanalystes ne le sont pas."(p. 383) Quiconque aime la littérature sait qu'elle perçoit des choses que la psychanalyse ne décèle pas, tout comme l'art peut guérir mieux qu'elle ne pourrait le faire, rendant conscient l'inconscient.
Analité, oralité, sexualité, complexe d'Oedipe : avec Freud, tout se joue sur ce que notre corps mange, sur ce qu'il rejette, sur ses désirs sexuels et sur sa séparation d'avec la mère... Ce qui me paraît assez réducteur.
Néanmoins cette prise de notes prouve que j'ai éprouvé de l'intérêt à cette lecture. Ainsi, l'auteur confirme entre autres l'une de mes opinions, à savoir que la lecture peut être une manière de percevoir les refoulements et les pulsions de l'être humain, tout comme l'écriture / l'art peut faire émerger l'inconscient du conscient.
BROWN, Norman O.. - Eros et Thanatos / Trad. de l'américain par Renée Villoteau. - Denoël, 1971.- 410 p.. - (Dossier des Lettres Nouvelles).