C'était notre terre ***/Mathieu Belezi
RENTRÉE LITTÉRAIRE 2008
SELECTION GONCOURT
C'était notre terre, celle d'Algérie, celle du domaine de Montaigne, dans le Dahra berbère, celle où ils sont nés, où ils ont grandi, ces six personnages d'une famille de colons français et leur servante kabyle, encore vivants ou morts, qui prennent chacun à leur tour la parole. Les unes sont parties, nostalgiques d'une époque, d'une vie révolue, d'autres sont restés coûte que coûte, rendant sang pour sang versé, le fils enfin, lui, communiste dans l'âme, s'est très vite rangé du côté des Algériens.
Ce chant nostalgique, on en ressent les notes monter dans la musique du texte, dans ces phrases répétées parfois avec insistance, comme incantatoires, sans ponctuation parfois. C'est pour les premières voix un déracinement forcé, pour les autres une impuissance à accélérer le mouvement de l'Histoire ou à affirmer leur identité et leurs droits. Pour décrire la décolonisation à travers le prisme d'une famille de colons, Mathieu Belezi a choisi quatre personnages plus ou moins antipathiques, racistes, attachés à leurs privilèges, sans jamais changer en devenant à leur tour les proies de l'intolérance contre les pieds-noirs en France, et deux victimes, l'une de ses idées politiques vécues comme une trahison, l'autre d'être orpheline, femme et kabyle, et donc condamnée à devenir l'esclave des premiers. Pour autant, Mathieu Belezi ne juge personne, rend chacun de ses personnages profondément humain, afin de mieux faire comprendre comment chacun d'entre eux en arrive à telle ou telle décision ou extrémité.
C'est donc un très beau roman que celui-ci, le plus beau à mon sens de la sélection des 15 romans lus pour le Goncourt, tant la forme colle au fond comme un tout, mais, hélas, celui-ci n'a ni fait parler de lui, ni encore reçu de prix... Rien n'est perdu : lisez-le, faites-le connaître et parlez-en sur la blogosphère !
Ce chant nostalgique, on en ressent les notes monter dans la musique du texte, dans ces phrases répétées parfois avec insistance, comme incantatoires, sans ponctuation parfois. C'est pour les premières voix un déracinement forcé, pour les autres une impuissance à accélérer le mouvement de l'Histoire ou à affirmer leur identité et leurs droits. Pour décrire la décolonisation à travers le prisme d'une famille de colons, Mathieu Belezi a choisi quatre personnages plus ou moins antipathiques, racistes, attachés à leurs privilèges, sans jamais changer en devenant à leur tour les proies de l'intolérance contre les pieds-noirs en France, et deux victimes, l'une de ses idées politiques vécues comme une trahison, l'autre d'être orpheline, femme et kabyle, et donc condamnée à devenir l'esclave des premiers. Pour autant, Mathieu Belezi ne juge personne, rend chacun de ses personnages profondément humain, afin de mieux faire comprendre comment chacun d'entre eux en arrive à telle ou telle décision ou extrémité.
C'est donc un très beau roman que celui-ci, le plus beau à mon sens de la sélection des 15 romans lus pour le Goncourt, tant la forme colle au fond comme un tout, mais, hélas, celui-ci n'a ni fait parler de lui, ni encore reçu de prix... Rien n'est perdu : lisez-le, faites-le connaître et parlez-en sur la blogosphère !
"C'était notre terre
quand je dis que c'était notre terre, je veux dire que nous ne l'avions pas volée, que nous en avions rêvé au temps de nos ancêtres, et que l'Etat français nous avait permis de concrétiser nos rêves en nous vendant une bouchée de pain six cent cinquante-trois hectares de bonne terre africaine
- Te souviens-tu, Henri ?
six cent cinquante-trois hectares réservés à notre seul usage, ça fait beaucoup de collines, de vallées, de bouquets d'agaves et de lenstiques, d'oueds, de cailloux, d'oiseaux de toutes couvées, ça fait beaucoup de ciel et de nuages
- Te souviens-tu, Henri ?
ça fait beaucoup de sueur, de fatigue et de larmes, beaucoup de malheur et pas assez de joie, mais pour rien au monde je n'aurais voulu naître ailleurs
c'était notre terre
(...)." (incipit, p. 9)
quand je dis que c'était notre terre, je veux dire que nous ne l'avions pas volée, que nous en avions rêvé au temps de nos ancêtres, et que l'Etat français nous avait permis de concrétiser nos rêves en nous vendant une bouchée de pain six cent cinquante-trois hectares de bonne terre africaine
- Te souviens-tu, Henri ?
six cent cinquante-trois hectares réservés à notre seul usage, ça fait beaucoup de collines, de vallées, de bouquets d'agaves et de lenstiques, d'oueds, de cailloux, d'oiseaux de toutes couvées, ça fait beaucoup de ciel et de nuages
- Te souviens-tu, Henri ?
ça fait beaucoup de sueur, de fatigue et de larmes, beaucoup de malheur et pas assez de joie, mais pour rien au monde je n'aurais voulu naître ailleurs
c'était notre terre
(...)." (incipit, p. 9)
BELEZI, Mathieu. - C'était notre terre. – Albin Michel, 2008. – 474 p.. – ISBN 978-2-226-18669-0 : 22 €.